17. Sophie
C'était il y a six mois à peu près. J'ai rencontré Sophie à la crèche, qui venait d'accueillir sa petite fille. La toute première fois, nous croisant en coup de vent, nous n'avions échangé que quelques mots, moi de bienvenue et elle d'explication. Elle se montrait un peu anxieuse, mais gaie et alerte. Plus tard dans la journée, j'ai réalisé que cette rencontre m'avait laissé un sentiment étrange, confus. En fait je ne comprenais pas très bien.
Le lendemain matin, nous sommes arrivées en même temps sur le parking. Nous avons donc pénétré ensemble dans le bâtiment, et réglé les mille petites choses nécessaires au bonheur de nos petits pour la journée. Ensuite nous avons papoté quelques minutes avant de succomber chacune de notre côté à la folie quotidienne des transports, des horaires et des retards.
Plus du tout anxieuse, elle était rayonnante. Elle était belle à mourir. Mon coeur était gonflé d'émotion, et une chaleur m'envahissait de la tête aux pieds. Je parvenais à mener une discussion honnête, mais je la dévorais littéralement des yeux.
Elle avait un très joli visage, un visage de caractère, lumineux, avec des traits fins et agréables. Une très jolie peau avec des tâches de rousseur, et un bronzage perceptible, étonnant en cette saison-là. Je buvais ses paroles, prononcées avec une suavité extrême, égrenée par sa bouche sensuelle. Ses cheveux étaient blond, d'un blond assez foncé. Longs, ils étaient sagement attachés en arrière. Elle était grande, mince, élancée. Elle portait un long pardessus de pluie, largement ouvert. Ouvert sur de longues jambes très fines, habillées de bas unis noir presque transparents, que limitaient, haut, très haut, la coupe d'une jupe décidément vraiment courte. Mes yeux accrochaient cette limite dans l'espoir vain de la soulever. Plus haut, un chemisier magnifique ouvrait sur un décolleté qu'au moins trois boutons ouverts rendait vertigineux. S'arrachant de ses jambes, mes yeux descendaient d'une manière incontrôlable depuis ses yeux pétillants vers sa bouche, son menton, son cou, le haut de sa poitrine. De ses seins relativement petits, toute la partie supérieure était visible, ainsi que l’était le milieu du soutien-gorge, par la boutonnière ouverte. J'en devinais aisément tout ce que je n'en voyais pas, comme si elle était nue devant moi.
Il n'est pas possible que lui aient échappé mon trouble, le voile de ma voix, l'insistance presque obscène de mon regard, le désir irrépressible de mon corps tout entier. Néanmoins elle est restée lumineuse et gaie jusqu'à ce que nos ornières quotidiennes nous emportent et nous séparent.
Dans la rue, dans le métro, à mon travail, j'étais submergé de ce trouble. Une chaleur intense m'habitait. Dix fois je me rendis aux toilettes, folle de désir. Je m'y caressais frénétiquement en pensant à Sophie, ses seins, ses jambes, son sourire. Pour évacuer cette chaleur, et aussi pour faciliter mes caresses, je me mettais entièrement nue. J'empoignais avec délice ma poitrine nue. Je fourrageais avec fougue mes doigts dans mon vagin. Assise sur les toilettes, debout appuyée sur le lavabo, adossée au mur, ou gisant par terre, je me masturbais avec frénésie, sans épuiser le désir de cette vision du matin. J'ai eu ainsi avec elle des dizaines d'orgasmes solitaires.
Dans les jours qui suivirent, je me sentais une véritable midinette. Je guettais Sophie, m'arrangeais pour la rencontrer par hasard. Souvent vêtue de façon sexy, elle était parfois habillée très différemment, parfois d’un style très strict, d'autres fois très décontracté. Quoiqu'il arrive, je brûlais du désir de la revoir, et de celui de la regarder.
Sans le savoir, elle avait littéralement envahi ma vie sexuelle. Je me masturbais dix fois plus qu'en temps normal, et tout spécialement dans les toilettes de mon travail, devenues en quelque sorte complices de cette relation. Mais aussi je l'imaginais près de moi quand Bruno me faisait l'amour. Je caressais et léchais Marie en fermant les yeux, mes sens tous convaincus que c'est le corps de Sophie que j'étreignais. Je redoublais d'ardeur et de plaisir, faisant malgré tout de ce petit mensonge la joie de mes partenaires.
Cet état de surexcitation a duré plusieurs semaines. Il a connu son point culminant alors que Sophie et moi nous étions rencontrées par hasard à la piscine. En repartant, nous avions pris ensemble notre douche avant de rejoindre ces stupides cabines de douche individuelles. Nous étions seules toutes les deux, nues. Sophie savourait le ruissellement de l'eau sur sa peau. Les yeux fermés, elle se tournait, se montrait à moi sous tous les angles. Ses seins étaient ceux que j'avais imaginés, mais réels, mobiles, adorables et tendres. Son sexe était naturel, blond et peu touffu. Sa peau était une invitation à la caresse. Cette fois-là, malgré l'eau, l'émotion, le risque d'être surprise, je me suis masturbée, les yeux rivés sur Sophie, et j'ai explosé en un temps record, jouissant comme jamais, m'agenouillant ensuite sous le filet d'eau pour me remettre. Sophie a ouvert les yeux, et d'un "ça va ?", m'a entraînée vers la sortie.
Et puis Sophie a disparu. Je ne lui ai jamais dit mon amour, mon désir, mon exaltation, mon plaisir. J'étais retenue par une sorte de timidité, c'est vrai, mais aussi peut-être par le goût particulier attaché à toute cette relation.
Maintenant, longtemps après, je suis sûre de plusieurs choses. Sophie brûlait du même désir que moi, et je crois qu'elle n'a ni retenu ni encouragé nos rapports. Je suis certaine aussi qu'elle a été témoin de mon orgasme à la piscine. En revanche, je ne sais toujours pas si autre chose aurait pu ou dû se produire entre nous.
Florence - fflorence@mail.com
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