Toscane

Le monde sensuel de Florence

31 août 2007

51. Insouciance


C’était il y a une quinzaine d’années. Après le bac, passé et réussi en même temps pour toutes les deux, Nadine et moi étions venues à Paris pour entreprendre nos études supérieures. Tout naturellement, nous avions alors partagé une minuscule chambre de bonne au sixième étage d’un immeuble cossu des alentours de l’Etoile.

Ex-amoureuses mais toujours amies et bien souvent amantes, nous avions alors une vie sexuelle intense et une vie sentimentale tourmentée. Notre promiscuité était somme toute assez préjudiciable à cette dernière. Exception faite de grosses difficultés dans la poursuite de nos études, cette période était tout à fait heureuse.

Avec consternation, nous avions alors appris qu’une des camarades de Nadine s’adonnait à la prostitution. Cela nous avait violemment remuées, alors nous avions passé un temps considérable à mieux faire sa connaissance et débattre avec elle des raisons d’une chose si terrible. Nous avions au départ dans l’idée qu’il s’agissait d’une extrémité à laquelle elle devrait le plus vite possible renoncer. De fait, elle faisait cela par nécessité, le seul moyen par lequel elle pourrait accéder à la formation à laquelle elle aspirait. Ses aspirations sexuelles étaient limitées, et avec ses clients, elle se comportait assez mécaniquement. Sans dégout, toutefois, et elle avait acquis une sorte de professionnalisme qui semblait satisfaire les hommes. Cette activité allait à l’encontre de son caractère prude qui refusait toute idée pratique un tant soit peu coquine, comme l’amour à plusieurs, le plaisir entre femmes, la pluie dorée ou l’exhibitionnisme.

Nous nous trouvions donc avec elle dans une incompréhension totale quant aux choses du sexe. Nous en sommes alors venues à ne plus considérer la prostitution comme une horreur à combattre, mais sous l’angle de quelque chose qui excitait notre curiosité, tout en promettant de remédier un peu à notre impécuniosité, en rien comparable à son dramatique dénuement.

Elle nous avait révélé une foule de détails utiles sur la manière de conduire ce genre de business. Sans cette compétence qu’elle nous avait transmise par son témoignage, nous n’aurions sans doute jamais osé tenter cette expérience, et si nous l’avions fait, nous aurions sans doute subi les mêmes graves désagréments qu’elle avait endurés à ses débuts.

Tout comme elle, nous avions décidé d’offrir nos charmes sur Minitel, plutôt que d’arpenter les rues ou les grands boulevards de la capitale. Nous faisions l’une et l’autre notre recherche indépendamment et à titre individuel, mais en précisant toujours que lorsque nous recevions un client, l’autre serait présente. Nous n’offrions pas la perspective de nous présenter en couple, bisexuelles ou non. Dans les dialogues d’approche comme durant les rencontres, nous ne dissimulions ni notre sexualité débridée et ni notre sensualité débordante. Nous nous en tenions cependant pour l’essentiel à des pratiques classiques et prudentes.

Il s’avéra quand même que la présence systématique de l’autre quand l’une officiait était une source inépuisable et variée d’avantages pour chacune, ainsi que pour le client lui-même. Nous mutualisions notre expérience, en observant ce que nous n’avions pas l’occasion de vivre nous-mêmes. Les hommes étaient toujours ravis de ce qu’ils considéraient toujours comme un petit plus. S’ils faisaient presque toujours état de leur désir de nous avoir toutes les deux, ils ne paraissaient nullement frustrés d’en rester là.

La présence de l’autre, celle qui n’officiait pas, pouvait revêtir différentes formes. Elle était rendue systématique et continue par le fait que notre logement ne comportait qu’une seule pièce. Je pouvais rester à lire dans un coin, ou même assise à côté des corps en mouvement, indifférente. D’autre fois, je dévorais la scène du regard. D’autre fois encore, je suscitais les regards, perturbant l’accouplement, en me mettant partiellement ou totalement nue, voire en me masturbant posément à leurs côtés. Si je n’ai jamais touché un client de Nadine, par déontologie commerciale, je dirais, il m’est arrivé en revanche de caresser mon amie en plein ébat, d’une manière tendre, comme une amie à son chevet, ou bien plus sexuelle, en allant jusqu’à promener ou rentrer mes doigts ou ma langue dans des recoins laissés inoccupés par les attentions du monsieur. Je l’ai par exemple plusieurs fois sentie jouir dans ma bouche sous l’effet de mes caresses, tandis qu’elle embrassait ou suçait notre visiteur.

Nadine n’agissait pas différemment quand c’était moi qui recevais. Sauf peut-être une chose. Au début de l’entrevue, nous commencions toujours par offrir un soda ou un café, pour prendre le temps de se poser avant d’entamer notre excursion sexuelle et épicurienne. Et elle profitait toujours de ce temps de prise de contact et de découverte, parfois un peu gêné, pour se déshabiller lentement et entièrement, de sorte que j’entamais toujours mon contact physique avec un homme déjà excité par les regards qu’il avait pu porter sur son corps magnifique et nu. Il lui arrivait aussi d’embrasser fougueusement mon client pendant qu’on faisait l’amour.

Nous avons connu assez peu d’hommes différents, moins d’une dizaine chacune. Rien de particulier à dire d’ailleurs sur eux. Ils se sont tous montrés très gentils et visiblement très excités, caressants, et soucieux de susciter notre plaisir. La plupart ont demandé, souvent timidement, plus que nous n’offrions au départ. Quelques uns ont obtenu satisfaction, surtout auprès de Nadine, moins déterminée que moi à s’en tenir au contrat initial. Plusieurs d’entre eux, notamment, ont pu lui pénétrer l’anus.

Au bout de deux mois, notre activité n’a plus concerné que deux clients fidèles et passionnés que nous voyions d’ailleurs l’une et l’autre. Nous avons franchi une étape en proposant un vrai trio à l’un d’eux, à un coût prohibitif d’ailleurs. Ce fut une grande réussite, et par la suite, nous avons continué les rencontres avec lui exclusivement sur ce mode et dans une relation amicale, sans plus aucune contrepartie financière. Nous avons continué avec l’autre sans changement, ce qui nous assurait un argent de poche très convenable. Au bout de six mois, nous avons cessé complètement, non sans avoir essayé four finir quelque chose de nouveau. Nous lui avons proposé une rencontre à quatre, où on lui présenterait l’autre client restant, le gratuit, comme mon petit ami. Cela a amené un quatuor assez convenu, faits de couples qui se forment et se reforment, se font l’amour et se regardent, un peu perturbé par l’exiguïté de notre logement.

Nous avions par ailleurs convaincus l’un et l’autre de rencontrer la camarade de Nadine. Ils nous ont rapporté mille et un détails sur cette expérience. Très excitées, nous nous réjouissions de tout savoir sur son vagin étroit et peu humide, ses seins frétillants, ou ses craintes d’être découverte par ses voisins qui imposaient à nos clients un protocole compliqué pour rejoindre son antre, ainsi qu’une maîtrise du bruit, les invitant à jouir en silence. Cette excitation s’est avérée plutôt malsaine, et nous nous sommes finalement retrouvées très attristées par son sort ainsi révélé.

Nous ne lui avons jamais raconté tout ça. Nous avons pris avec nos clients d’un temps ce que nous voulions prendre, le plaisir et l’argent, et avons arrêté ce jeu dès que nous en avons épuisé les charmes. L’amie, elle, a continué, finançant plusieurs années d’études par du sexe sans plaisir. Je me demande quelle est sa vie maintenant. En tout cas elle n’est plus présente sur le Minitel depuis quelques temps.

Florence – fflorence@mail.com

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1 Comments:

  • At 4:13 PM, Anonymous Anonyme said…

    Pouah...
    Trop glauque.
    Karine74

     

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